Extraits de la Correspondance de Pierre Bayle

Lettre 934: Bayle à Gabriel d'Artis du 8 août 1693:
Je vous suis infiniment obligé de l’honneur que vous m'avez fait de me communiquer le plan de votre journal[1]. Je puis vous dire avec toute sorte de sincerité qu'il me semble que vous n'avez rien oublié de tout ce qui se pouvoit renfermer dans un ouvrage de cette nature. J'ai bien revé pour trouver quelque chose que l'on y peut ajouter et rien ne m'est venu dans l’esprit.
 
Lettre 945: Bayle à Minutoli du 21 septembre 1693
Nonobstant la stérilité où nous sommes ici de nouvelles lit[t]éraires, mon cher Monsieur, j’en aurois diverses à vous mander, si le nouveau journal[2], que je vous envoie, ne grossissoit pas trop cette dépêche. Il n’est pas encore en vente. J’ai eu cet exemplaire de l’auteur même, qui est un ministre gascon, natif de Milhau en Roüergue. Il se nomme Mr Dartis, et s’est fait connoître par un écrit sur l’Apologie sur la retraite des pasteurs, publiée par Mr Benoit[3]. Mr Dartis vouloit, ou que les ministres n’eussent pas abandonné leurs troupeaux, ou qu’ils y fussent retournez. Mr Benoit réfuta son écrit; mais, il eut été réfuté fortement à son tour, si pour l’édification publique, Mr Dartis n’eut donné la sup[p]ression de sa réplique aux instances des amis communs. Il est présentement sans Eglise, aïant eu des affaires à Berlin, où le bras séculier, appuïant sa partie adverse, lui a fait avoir du dessous.
 
Lettre 970: Bayle à Minutoli du 8 mars 1694
Mr Chauvin, ministre réfugié en cette ville, a entrepris un nouveau Journal des savans[4].

[1] Gabriel d'Artis était un ancien étudiant de Montauban et de Puylaurens et un ancien collègue d'Abbadie à Berlin, suspendu à cause d'une querelle avec Elie Benoist: voir Lettre 244, n.54. Il devait lancer en février 1694 son Journal d'Amsterdam «contenant divers mémoires curieux et utiles sur toutes sortes de sujets» chez l'imprimeur Nicolas Chevalier, mais devait très rapidement transférer son périodique à Hambourg sous le titre Journal de Hambourg (1694-1696, 12°, 4 vol.). Il devait repartir en 1700 pour Berlin, où il exerça de nouveau comme pasteur; à la suite d'une querelle avec ses confrères, qu'il accusait de socinianisme, il fut exclu et partit en Angleterre, où il devint en 1713 chapelain de la comtesse de Portland, Jane Martha Temple (1672-1751), deuxième épouse et ensuite veuve de Hans Willem Bentinck. Après des voyages en Allemagne et en Suède, il fut pasteur de l'Eglise de Saint-James à Londres jusqu'à sa mort. Voir Dictionnaire des journalistes, s.v. (art. de J. Sgard). Sa lettre adressée à Bayle ne nous est pas parvenue.

[2] Il s'agit du journal de Gabriel d'Artis, ancien étudiant de Montauban et de Puylaurens, intitulé Journal d'Amsterdam et qui devait prochainement être rebaptisé Journal de Hambourg. Bayle envoie sans doute à Minutoli le «plan» du journal que d'Artis lui avait soumis lors de sa première prise de contact: voir Lettre 934

[3] Elie Benoist, pasteur à Delft, avait publié en 1687 une Histoire et apologie de la retraite des pasteurs, à cause de la persécution de France (Francfort 1687, 12°). Gabriel d'Artis s'attaqua à cet ouvrage dans ses Sentimens desintéressés sur la retraite des pasteurs de France; ou examen d’un livre, qui a pour titre «Histoire et apologie de la retraite des pasteurs» [...] (Deventer 1688, 12°). Elie Benoist répondit par sa Défense de l’«Apologie pour les pasteurs de France», contre le livre intitulé, «Sentimens desintéressés sur la retraite des pasteurs» [...] (Francfort 1688, 12°). Alors que la dispute allait en s'envenimant, Gabriel d'Artis accepta, au nom de la paix, de supprimer sa Réplique à la «Défense» de Mr. Benoit.
[Bayle évoque ce qu'il vient de recevoir de d'Artis – qu'il connaît bien, puisqu'il est en correspondance avec lui. L'ambiguïté provient du fait que Prosper Marchand appelle le Journal de d'Artis un « Nouveau journal des savants », confondant peut-être le titre avec celui de Chauvin. Il ne donne d’ailleurs pas cette formule comme le titre du journal en question mais seulement comme une « description » de la nature du journal de d'Artis. D'ailleurs, les dates de Chauvin ne correspondent pas.  AMK]

[4] Etienne Chauvin venait de lancer le Nouveau journal des savants dressé à Rotterdam; le périodique parut sous ce titre pendant deux ans chez Pierre van der Slaart à Rotterdam, puis, après le départ de Chauvin à Berlin en 1695, sous celui de Nouveau journal des savants dressé à Berlin chez Robert Roger (Berlin 1696) et chez Michel Rüdiger (Berlin 1697-1698).